Commentaire de texte : Kant: Qu'est-ce que les Lumières?
Dans la deuxième partie du Discours de la méthode, Descartes affirme qu'il est préférable de ne pas penser par soi-même, si nous n'avons pas assez de patience pour conduire par ordre nos raisonnements. La plupart des hommes "s'ils avaient une fois pris la liberté de douter des principes qu'ils ont reçus et de s'écarter du chemin commun, jamais ils ne pourraient tenir le sentier qu'il faut prendre pour aller plus droit, et demeureraient égarés toute leur vie." A l'encontre de la menace d'égarement, le mouvement des Lumières vise comme idéal l'abolition de la distinction entre l'élite et le peuple. Penser par soi-même devient par conséquent un devoir et non plus privilège. On n'interroge plus la légitimité d'une telle démarche mais uniquement sa possibilité. Qu'est-ce qu'il nous empêche de penser par nous-mêmes? Quels sont les obstacles à la diffusion des Lumières? La réponse à cette question présuppose la définition préalable du terme "Lumières". C'est la raison pour laquelle Kant commence par définition cette notion dans le premier paragraphe du texte. Dans la deuxième partie, il examine les deux principaux obstacles à la diffusion des Lumières, la paresse et la lâcheté.
Lorsqu'un terme est galvaudé, on perd de vue son sens. D'où la nécessité de saisir de manière précise sa définition. Le mot définition vient du latin "definitio/definitum" qui signifie "délimiter", "poser une limite". C'est une telle limite que Kant essaie de poser pour saisir le mouvement des Lumières. La formule est lapidaire: "Les Lumières c'est la sortie des hommes hors de la minorité". Parler d'une sortie, c'est mettre l'accent sur une action plutôt qu'un état. Les Lumières ne sont donc pas un état achevé de l'humanité, mais un processus qui prend du temps. On peut noter que cette progression dans le temps est plus explicite dans la traduction anglaise "enlightment" qu'on peut traduire comme l'éclairement. Kant affirme que nous sommes responsables de notre état de minorité. L'idée de responsabilité implique celle de libre arbitre que l'on peut définir comme le pouvoir de choisir. En effet, si la minorité était une contrainte nécessaire, elle résulterait de notre nature et nous n'en serions pas responsables. Or, puisque l'homme se maintient dans cet état "par sa propre faute", cela sous-entend qu'il s'agit bien d'un choix. Etant donné que les Lumières se définissent en opposition à cet état de minorité, Kant va définir de manière plus exacte cet état: "La minorité est l'incapacité de se servir de son entendement sans être dirigé par un autre". L'entendement désigne la faculté permettant de relier de manière logique des concepts. Par exemple, si a = b et b = c, alors nous pouvons déduire par notre entendement que a = c. Les concepts a, b et c sont reliés entre eux par le concept d'égalité grâce à une opération de l'entendement. C'est donc cette faculté qui permet de penser par soi-même. Kant envisage deux cas de figures. On peut manquer d'entendement ou ne pas avoir assez de résolution ou de courage pour s'en servir sans être dirigé par un autre. Dans le premier cas, celui du fou ou de l'enfant, l'état de minorité est involontaire. On ne saurait tenir par exemple le fou ou l'enfant le responsable de leur état. Par contre, celui qui a la capacité de penser par lui-même et ne le fait pas, est responsable de son état de minorité. Kant conclut le premier paragraphe par une exhortation: "Sapere aude! Aie le courage de te servir de ton propre entendement!" Ici l'auteur s'adresse directement au lecteur en employant la deuxième personne du singulier à l'impératif. Kant ne se contente pas d'exposer théoriquement son point de vue, il essaie aussi d'inciter le lecteur à suivre le chemin tracé par les lumières. On peut remarquer que son exhortation prend l'allure d'une provocation. En effet, en disant "aie le courage", "ose penser", il sous-entend que ses lecteurs sont des poltrons dans le domaine de la pensée. Dans cette première partie, Kant définit le mouvement des Lumières et nous exhorte à le suivre. Qu'est-ce qu'il nous empêche de penser par nous-mêmes, quels sont les obstacles à la diffusion des Lumières?
Kant distingue la minorité naturelle et intellectuelle. Elles sont nécessaires au début de notre vie et impliquent une dépendance à l'égard du tuteur. La minorité du point de vue biologique prend fin naturellement lorsque nos forces rendent possible notre autonomie. Par contre, la minorité intellectuelle se perpétue à cause de deux obstacles majeurs: la paresse et la lâcheté. Kant met en parallèlle nos facultés intellectuelles et morales et les tuteurs qui les remplacent. L'entendement et notre conscience morale permettent de réflechir par nous-mêmes et de guider nos choix. Par conséquent, l'état de minorité n'est pas une fatalité. Or, force est de constater que notre paresse nous pousse à nous soumettre à l'autorité d'un livre, d'un directeur de conscience ou d'un médecin en échange d'argent. Pourtant, la paresse n'est pas un seul obstacle. De fait, nous pouvons ne pas craindre les efforts de réflexion sans forcément avoir le courage de penser par nous-mêmes. Cette lâcheté n'est pas une exception, mais la règle. Elle concerne la plupart des hommes et la totalité des femmes. En conséquence, seules quelques exceptions masculines auraient le courage de penser par elles-mêmes. On peut repérer ici une contradiction performative, c'est-à-dire une contradiction entre le discours et l'action. En effet, Kant affirme qu'il faut lutter contre les préjugés et oser penser par soi-même, or, il adhère à un préjugé sexiste typique du 18e siècle. Il s'agit bien d'un préjugé puisque Kant ne justifie pas la raison pour laquelle toutes les femmes n'ont pas le courage de penser par elles-mêmes. Quoiqu'il en soit cet état de minorité volontaire entraîne une dépendance à l'égard des tuteurs. On peut définir le tuteur comme l'individu qui pense à notre place et guide ainsi nos vies. Loin de favoriser notre émancipation et notre autonomie, ils accentent au contraire notre dépendance en exagérant le danger de penser par soi-même. Le développement de cette peur se justifie par la volonté de maintenir leur domination sur les hommes en état de minorité. La méthode est simple: il faut les rendre stupides en favorisant la croyance plutôt que la réflexion et il faut également susciter la peur de l'échec ou de l'exclusion du groupe. Dans cette perspective, le tuteur a un rôle essentiellement négatif chez Kant. Cette position n'est-elle pas exagérée? Le tutorat n'est-il pas nécessaire pour ceux qui ne sont pas encore capables de penser par eux-mêmes? Un tuteur ne peut-il pas nous guider vers l'autonomie de la pensée? On peut remarquer que Kant n'étudie pas les différents genres de tuteurs. Il se borne à dénoncer les abus de certains tuteurs, il dit bien "ces tuteurs" et non "les tuteurs" en générale.
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Commentaire de texte : Kant: Qu'est-ce que les Lumières?
Dans la deuxième partie du Discours de la méthode, Descartes affirme qu'il est préférable de ne pas penser par soi-même, si nous n'avons pas assez de patience pour conduire par ordre nos raisonnements. La plupart des hommes "s'ils avaient une fois pris la liberté de douter des principes qu'ils ont reçus et de s'écarter du chemin commun, jamais ils ne pourraient tenir le sentier qu'il faut prendre pour aller plus droit, et demeureraient égarés toute leur vie." A l'encontre de la menace d'égarement, le mouvement des Lumières vise comme idéal l'abolition de la distinction entre l'élite et le peuple. Penser par soi-même devient par conséquent un devoir et non plus privilège. On n'interroge plus la légitimité d'une telle démarche mais uniquement sa possibilité. Qu'est-ce qu'il nous empêche de penser par nous-mêmes? Quels sont les obstacles à la diffusion des Lumières? La réponse à cette question présuppose la définition préalable du terme "Lumières". C'est la raison pour laquelle Kant commence par définir cette notion dans le premier paragraphe du texte. Dans la deuxième partie, il examine les deux principaux obstacles à la diffusion des Lumières: la paresse et la lâcheté.
Lorsqu'un terme est galvaudé, on perd de vue son sens. D'où la nécessité de saisir de manière précise sa définition. Le mot définition vient du latin "definitio/definitum" qui signifie "délimiter", "poser une limite". C'est une telle limite que Kant essaie de poser pour saisir le mouvement des Lumières. La formule est lapidaire: "Les Lumières c'est la sortie des hommes hors de la minorité". Parler d'une sortie, c'est mettre l'accent sur une action plutôt qu'un état. Les Lumières ne sont donc pas un état achevé de l'humanité, mais un processus qui prend du temps. On peut noter que cette progression dans le temps est plus explicite dans la traduction anglaise "enlightment" qu'on peut traduire comme l'éclairement. Kant affirme que nous sommes responsables de notre état de minorité. L'idée de responsabilité implique celle de libre arbitre que l'on peut définir comme le pouvoir de choisir. En effet, si la minorité était une contrainte nécessaire, elle résulterait de notre nature et nous n'en serions pas responsables. Or, puisque l'homme se maintient dans cet état "par sa propre faute", cela sous-entend qu'il s'agit bien d'un choix. Etant donné que les Lumières se définissent en opposition à cet état de minorité, Kant va définir de manière plus exacte cet état: "La minorité est l'incapacité de se servir de son entendement sans être dirigé par un autre". L'entendement désigne la faculté permettant de relier de manière logique des concepts. Par exemple, si a = b et b = c, alors nous pouvons déduire par notre entendement que a = c. Les concepts a, b et c sont reliés entre eux par le concept d'égalité grâce à une opération de l'entendement. C'est donc cette faculté qui permet de penser par soi-même. Kant envisage deux cas de figures. On peut manquer d'entendement ou ne pas avoir assez de résolution ou de courage pour s'en servir sans être dirigé par un autre. Dans le premier cas, celui du fou ou de l'enfant, l'état de minorité est involontaire. On ne saurait tenir par exemple le fou ou l'enfant pour responsable de leur état. Ainsi, l'assistance des tuteurs nous est indispensable. Si Kant considère ce passage comme une période nécessaire dans la vie de l'homme, il prévoit également l'achèvement de cet état. L'homme doit s'émanciper au moment où ses facultés intellectuelles seront matures. Or, la plupart des hommes choisissent volontiers de persister dans cet état de minorité. Ils refusent de se libérer, d'être autonomes, de grandir. La conséquence d'une telle décision est la dépendance envers les tuteurs. De plus, cette autonomie absente laisse une place vacante qui sera aussitôt occupée par des personnes qui veulent diriger, voire même manipuler les hommes qui ont renoncé à leur devoir de l'autonomie. Pourquoi alors nous nous dispensons de notre devoir de penser par nous-mêmes? Pourquoi nous mettons-nous volontairement dans cet état de soumission?
La première cause étudiée par Kant, c'est la paresse. Il présuppose que penser par soi-même est un acte fatigant. Nous nous fions facilement à des autorités reconnues telles que des livres, des guides spirituels ou autres autorités intellectuelles pour reprendre leurs idées sans y parvenir par nous-mêmes, sans les soumettre à notre pensée critique. Nous adhérons facilement à des opinions générales. Effectivement, lorsque nous sommes devant un problème mathématique et que sa solution se trouve au verso de la page, il est plus commode de recopier la réponse que de chercher la solution fastidieusement. Nous gardons cette attitude également au niveau moral. Si nos guides spirituels ou des autorités intellectuelles, politiques ou autres penchent pour tel ou tel comportement, nous reprenons confortablement leur direction sans envisager d'autres voies plausibles, sans délibérer des conséquences. Nous aimons nous reposer sur les autres, nous leur laissons avec plaisir notre place et la responsabilité des décisions. Réflechir et parvenir à des conclusions, les analyser, nous coûtent notre temps et exigent de l'effort. Ainsi, tant que l'occasion se présente, nous déléguons volontiers. La paresse manifeste ici le côté agréable de ne pas réfléchir par soi-même. Nous pouvons bien combattre ce défaut et nous libérer relativement facilement des brides posées par nos tuteurs. Or, même si nous voulions nous surpasser dans nos efforts et commencer à nous servir de notre entendement de manière autonome, nous nous heurtons bien souvent à un autre obstacle, plus important et plus difficile à surmonter. Effectivement, Kant mentionne comme la deuxième cause de notre soumission la peur et la lâcheté. Franchir le pas vers la liberté de penser est désigné par Kant comme pénible et très dangeureuse. D'où vient ce danger? Et en quoi consiste cette peine de franchir le seuil pour marcher vers son autonomie?
Comme nous l'avons mentionné ci-dessus, parvenir à des conclusions par réflexion mène souvent à des décisions à prendre. Or, chaque décision suivie d'un acte attire des conséquences. L'homme qui a décidé de son propre droit et librement, porte toute la responsabilité des conséquences. Si ces dernières sont avantageuses, valorisées, bénéfiques, l'homme jouit avec plaisir de sa liberté, de sa réussite. Par contre, si nous nous sommes trompés et les conséquences de nos actions sont désastreuses, la responsabilité et l'échec qui en découlent peuvent être écrasants. Ainsi, est-il plus prudent de rester en dehors de toute responsabilité et de recourir aux tuteurs. Cette lâcheté n'est pas une exception, mais la règle. Elle concerne la plupart des hommes et la totalité des femmes. En conséquence, seules quelques exceptions masculines auraient le courage de penser par elles-mêmes. On peut repérer ici une contradiction performative, c'est-à-dire une contradiction entre le discours et l'action. En effet, Kant affirme qu'il faut lutter contre les préjugés et oser penser par soi-même, or, il adhère à un préjugé sexiste typique du 18e siècle. Il s'agit bien d'un préjugé puisque Kant ne justifie pas la raison pour laquelle toutes les femmes n'auraient pas le courage de penser par elles-mêmes. Quoi qu'il en soit cet état de minorité volontaire entraîne une dépendance à l'égard des tuteurs. On peut définir le tuteur comme l'individu qui pense à notre place et guide ainsi nos vies. Loin de favoriser notre émancipation et notre autonomie, ils accentuent au contraire notre dépendance en exagérant le danger de penser par soi-même. Le développement de cette peur se justifie par la volonté de maintenir leur domination sur les hommes en état de minorité. La méthode est simple: il faut les rendre stupides en favorisant la croyance plutôt que la réflexion et il faut également susciter la peur de l'échec ou de l'exclusion du groupe. Dans cette perspective, le tuteur a un rôle essentiellement négatif chez Kant. Cette position n'est-elle pas exagérée? Le tutorat n'est-il pas nécessaire pour ceux qui ne sont pas encore capables de penser par eux-mêmes? Un tuteur ne peut-il pas nous guider vers l'autonomie de la pensée? On peut remarquer que Kant n'étudie pas les différents genres de tuteurs. Il se borne à dénoncer les abus de certains tuteurs, il dit bien "ces tuteurs" et non "les tuteurs" en général.
En définitive, ce texte a une portée à la fois théorique et pratique puisqu'il définit le mouvement des Lumières et nous exhorte à le suivre. Il montre que l'unité du mouvement des Lumières ne réside pas tant dans l'adhésion dogmatique à un système de penser qu'à la volonté partagée de penser par soi-même. La réalisation de cet idéal présuppose le dépassement de notre paresse et de notre lâcheté et rend possible notre libération à l'égard des tuteurs qui nous asservissent par la peur. Ce texte soulève néanmoins trois questions. Tout d'abord le statut de la femme dans le domaine de la pensée. La conception d'un sexe faible semble aujourd'hui dépassée et l'histoire montre que les femmes ont autant de courage de penser que les hommes. On peut aussi se demander si la liberté de penser est souhaitable pour tout le monde. Le risque d'égarement évoqué par Descartes peut constituer un péril pour l'ordre moral et social. Peut-être que le conformisme est une nécessité sociale et que l'accession à la pensée libre et autonome de tous les hommes est une utopie. Enfin, jusqu'où doit aller l'autonomie de la pensée? Au niveau de la médecine, la préconisation de Kant peut s'avérer dangereuse. De fait, se tromper dans un syllogisme n'entraîne pas la mort contrairement à l'erreur en médecine. Aujourd'hui les connaissances sont tellement vastes qu'il est impossible de tout savoir. Il devient alors nécessaire de se spécialiser dans un champ de la connaissance et de faire confiance aux autres spécialistes.
jeudi 8 août 2013
Corrigé du texte de schopenhauer
Le phénomène de la rumeur montre bien que le nombre donne l’illusion de la vérité. Pourtant une rumeur n’est pas non plus nécessairement fausse. Aussi est-il permis d’interroger la valeur du rapport entre nombre et vérité. La généralité d’une opinion est-elle une preuve ou un indice de la vraisemblance d’une thèse ? Dans ce texte, Schopenhauer répond par la négative. Il élabore son raisonnement en exposant tout d’abord la thèse qu’il va combattre (ligne 1-5). Afin de mieux la comprendre, il va déterminer les causes de cette thèse (ligne 5-11) avant de la remettre en question par un raisonnement par l’absurde (ligne 11-17).
Schopenhauer expose le préjugé selon lequel le nombre détermine la vérité d’un jugement. A l’appui de cette thèse, il cite deux autorités : « la plupart des gens » et « Aristote ». Cette association semble à première vue problématique puisque la suite du texte montre que la majorité des hommes ne pensent pas. Or, mettre Aristote du côté de la majorité n’est-ce pas remettre en question, de manière discutable, son statut de penseur ? D’une chose l’une : soit la majorité et Aristote pensent, soit Aristote et la majorité ne pensent pas. L’ambiguïté du texte rejoint la polysémie du terme « penser ». En effet, quand Schopenhauer dit : « la plupart des gens pensent avec Aristote », entend-il le verbe « penser » au sens de réflexion ou en tant que simple opinion ? Si l’on affirme que la majorité est douée de réflexion, on irait à l’encontre du texte et si l’on affirme qu’Aristote ne réfléchit pas, on parvient également à une absurdité. Par conséquent, il faut interpréter le verbe « penser » en tant qu’adhésion à une opinion. Le fait que la plupart des gens et Aristote adhèrent à la même opinion n’implique en aucune manière une identité. En effet, on peut adhérer à une opinion pour des motifs irrationnels ou rationnels ; telle serait la distinction à effectuer entre la majorité des hommes et Aristote. Quelle est donc cette opinion partagée par la philosophe et le grand nombre ?
Schopenhauer cite Aristote : « ce qui semble juste à beaucoup, nous disons que c’est vrai. » Autrement dit, notre certitude varie en fonction du nombre de personnes soutenant une thèse. Jusqu’où va cette adhésion ? Peut-on adhérer à une opinion allant à l’encontre du bon sens ? Schopenhauer aurait pu se contenter de dire que le grand nombre détermine nos opinions à condition que celles-ci ne soient pas absurdes. Or, ici, il n’y a pas de distinction entre opinion vraisemblable et opinion absurde. La force du nombre est supérieure à notre raison. On peut noter encore trois différences entre adhésion rationnelle et irrationnelle à une opinion. L’adhésion irrationnelle ne vient pas de notre réflexion mais de l’extérieur. Comme le dit Schopenhauer : on s’en empare. Le verbe « s’emparer » désigne le fait de s’approprier quelque chose qui ne nous appartient pas. Dans ce cas de figure, nos opinions ne sont pas vraiment nôtres. Deuxième différence : on ne prend pas le temps de la réflexion dans l’évaluation de l’opinion à laquelle on adhère. Cet « empressement » de l’adhésion contraste avec la mise en œuvre de la pensée véritable qui réclame du temps. Enfin, l’adhésion en fonction du nombre ne vient pas d’une réflexion, mais d’une « persuasion ». La distinction classique entre « persuader » et « convaincre » nous permet d’éclairer ce passage. En effet, la conviction dépend de notre raison, alors que la persuasion vise nos sentiments. Par conséquent, l’adhésion à l’opinion de la majorité est suscitée plus par notre cœur que par notre raison. Quelles sont les conséquences de cette adhésion irrationnelle ?
Schopenhauer montre la double influence pratique et théorique de cette adhésion : « l’exemple agit sur leurs pensées comme sur leurs actes. » Que faut-il entendre par « l’exemple » ? Le début du texte tend à montrer que l’on suit l’exemple de la majorité. Or, la suite du texte nous parle de l’exemple du bélier de tête conduisant le troupeau. D’où notre question : le terme « exemple » renvoie-t-il à la majorité ou à une autorité quelconque ? Peut-être n’y a-t-il pas tant de distinctions à faire puisque finalement, le bélier de tête et les moutons de Panurge suivent la même direction. On pourrait alors faire le compromis suivant : le terme exemple renvoie à la fois à la majorité et à l’autorité la guidant. Cet exemple détermine aussi bien nos pensées que nos actions. S’agit-il d’une relation bilatérale ou triangulaire ? Est-ce que l’exemple détermine séparément la pensée et l’action ou bien y a-t-il aussi une relation entre pensée et action ? La deuxième hypothèse semble préférable puisque nos pensées déterminent effectivement nos actions et vice et versa.
Dans cette première partie du texte, Schopenhauer expose le fait du conformisme, c’est-à-dire de la détermination de l’opinion de l’individu par le grand nombre. Quelles sont les causes de ce déterminisme ? Comment pourrions-nous y échapper ?
La première raison alléguée par l’auteur est la suivante : « il leur est plus facile de mourir que de penser ». Cette thèse est a priori discutable. En effet, la peur de la mort suscite terreur et souffrance et à côté d’elle le simple fait de penser ne semble pas être pire. Si nous avions le choix, il serait évidemment plus facile de penser que de mourir. Comment alors interpréter les propos de Schopenhauer ? S’agit-il d’une expression visant simplement à choquer le lecteur ou bien faut-il le prendre au sérieux ? Si le caractère rhétorique de ce passage est manifeste, il n’empêche qu’il pourrait également se justifier de manière rationnelle. En effet, la véritable pensée suppose des efforts continuels et difficiles allant à l’encontre de notre paresse naturelle. A contrario, la mort ne demande aucun effort, bien au contraire une absence d’effort, un relâchement de notre vouloir vivre. En définitive, la première raison de notre adhésion irrationnelle à l’opinion de la majorité est notre paresse.
La deuxième raison donnée par Schopenhauer est le manque d’observation de soi-même : « il leur suffit de s’observer eux-mêmes pour constater qu’on adopte des opinions sans jugement propre ». L’observation de soi ne concerne pas, bien entendu, notre physique, mais nos opinions voire mêmes nos actes. Cette observation de soi présuppose une distance vis-à-vis de soi-même. On peut distinguer à la fois le moi observé et le moi qui observe. Cette prise de conscience nous permet de prendre du recul vis-à-vis de nos opinions et de les interroger. L’observation de soi est par conséquent la condition nécessaire de la pensée. Pourquoi n’est-elle pas immédiatement accessible ? Qu’est-ce qui nous empêche de nous observer ?
Voici la réponse de l’auteur : « mais s’ils ne le voient pas, c’est qu’ils sont dépourvus de toutes connaissances d’eux-mêmes. » Cette affirmation est énigmatique puisqu’elle inverse la relation habituelle entre observation de soi et connaissance de soi. En effet, de prime abord, on pourrait croire que l’observation précède la connaissance. On connaît par exemple les constellations ou les cellules parce qu’on les observe. Cependant, cette approche n’est-elle pas naïve ? Peut-on vraiment voir la constellation de la grande ourse ou une cellule sans savoir au préalable ce que c’est ? Ainsi, contrairement aux apparences, la connaissance précède et rend possible l’observation. Ce qui est valable pour les objets est aussi valable pour soi-même. C’est en ce sens que la connaissance de soi rend possible l’observation de soi.
Voici donc les trois causes de l’adhésion irrationnelle à l’opinion de la majorité : la paresse, le manque d’observation et de connaissance de soi. Que vaut une telle adhésion ? Le nombre fait-il la vérité d’une thèse ?
Dans la dernière partie du texte, Schopenhauer va réfuter l’association entre nombre et vérité. Il commence sa démonstration par une précision méthodologique : « pour parler sérieusement ». Est-ce que cela signifie que tout ce qui précède était une plaisanterie peu sérieuse ? N’y a-t-il pas une incohérence dans le texte ? Pour éviter cette contradiction, il faut examiner la différence entre le début et la fin du texte. On peut noter qu’à partir de la ligne 11 le raisonnement de l’auteur devient plus rigoureux. Précédemment, Schopenhauer citait des autorités (Aristote et Platon), des images littéraires (Les moutons de Panurge) et le ton utilisé était sarcastique. Par conséquent, il faut interpréter le terme « sérieux » au sens de « rigoureux ». Ce qui précède est toujours valable et sera confirmé par un raisonnement logique. Quel est-il ?
L’auteur utilise un raisonnement par l’absurde. Plus précisément il utilise ce qu’Aristote appelle dans Les analytiques une apagogie négative, c’est-à-dire un raisonnement consistant à réfuter une thèse en montrant l’absurdité de ses conséquences. Son objectif est de montrer que « la généralité d’une opinion n’est pas une preuve et même pas un indice de la vraisemblance de son exactitude. On peut noter ici que Schopenhauer ne parle pas de l’exactitude mais de la vraisemblance de l’exactitude. Ce qui est vraisemblable c’est ce qui pourrait être vrai. Il se trouve du côté du possible et du plausible. L’auteur ne se borne donc pas à dire que le nombre ne fait pas la vérité, il dit que le nombre ne rend pas plus plausible une thèse. On peut aussi distinguer la preuve en tant que signe montrant de manière nécessaire la vérité d’un jugement et l’indice en tant que signe probable. Par conséquent, la thèse de Schopenhauer est radicale, le nombre n’est pas un signe nécessaire ou probable de la vraisemblance d’une affirmation. Prétendre le contraire, c’est parvenir à des conséquences absurdes. Quelles sont-elles ?
Schopenhauer en dénombre deux en fonction du temps et de l’espace. Si le nombre était un indice ou une preuve de la vraisemblance d’une thèse, alors le géocentrisme serait vraisemblable. Or, ce n’est pas le cas. Par conséquent, la thèse de départ est fausse. En effet, l’histoire montre que les théories scientifiques soutenues par la majorité ne sont pas forcément vraies. Peut-on parler de la même manière d’une vérité en religion ? S’il est facile de démontrer la fausseté d’une hypothèse scientifique, peut-on parvenir à la même certitude en matière religieuse ? Cette question n’est pas directement traitée par l’auteur. Le même raisonnement peut être élaboré par rapport à l’éloignement dans l’espace. Si le nombre était un indice ou une preuve de la vraisemblance d’un jugement, alors la vérité varierait en fonction de la culture dans laquelle on se trouve. Or, étant donné que la vérité ne peut être relative, il faut conclure à la fausseté de la thèse de départ. En définitive, le nombre n’est pas un critère de vraisemblance.
Le texte de Schopenhauer est intéressant puisqu’il illustre le phénomène du conformisme. On peut trouver le prolongement de cette analyse en psychologie sociale, notamment avec l’expérience de Solomon Asch. En effet, (développer la référence).
Ce texte semble aussi se rapprocher de l’ouvrage de Kant Qu’est-ce que les Lumières ?, puisqu’il montre le refus de penser par soi-même de la majorité des hommes. Cependant on peut souligner la différence suivante : alors que Kant vise comme idéal la sortie de l’homme hors de l’état de minorité, on peut remarquer que Schopenhauer se contente de constater que « le vulgus a dans la tête une foule de sornettes, et s’il fallait en tenir compte, on aurait beaucoup à faire ». Autrement dit, la distinction entre la masse et l’élite ne mène pas à la tentative de sortir le peuple de son ignorance. Il y a un certain fatalisme dans la perspective de Schopenhauer.
On pourrait aussi dénoncer la critique sans appel de l’opinion. En effet, si l’opinion est souvent fausse, en revanche, elle ne l’est pas toujours. C’est ce que montre Platon dans le Ménon avec le concept d’opinion droite (développer la référence).
Schopenhauer expose le préjugé selon lequel le nombre détermine la vérité d’un jugement. A l’appui de cette thèse, il cite deux autorités : « la plupart des gens » et « Aristote ». Cette association semble à première vue problématique puisque la suite du texte montre que la majorité des hommes ne pensent pas. Or, mettre Aristote du côté de la majorité n’est-ce pas remettre en question, de manière discutable, son statut de penseur ? D’une chose l’une : soit la majorité et Aristote pensent, soit Aristote et la majorité ne pensent pas. L’ambiguïté du texte rejoint la polysémie du terme « penser ». En effet, quand Schopenhauer dit : « la plupart des gens pensent avec Aristote », entend-il le verbe « penser » au sens de réflexion ou en tant que simple opinion ? Si l’on affirme que la majorité est douée de réflexion, on irait à l’encontre du texte et si l’on affirme qu’Aristote ne réfléchit pas, on parvient également à une absurdité. Par conséquent, il faut interpréter le verbe « penser » en tant qu’adhésion à une opinion. Le fait que la plupart des gens et Aristote adhèrent à la même opinion n’implique en aucune manière une identité. En effet, on peut adhérer à une opinion pour des motifs irrationnels ou rationnels ; telle serait la distinction à effectuer entre la majorité des hommes et Aristote. Quelle est donc cette opinion partagée par la philosophe et le grand nombre ?
Schopenhauer cite Aristote : « ce qui semble juste à beaucoup, nous disons que c’est vrai. » Autrement dit, notre certitude varie en fonction du nombre de personnes soutenant une thèse. Jusqu’où va cette adhésion ? Peut-on adhérer à une opinion allant à l’encontre du bon sens ? Schopenhauer aurait pu se contenter de dire que le grand nombre détermine nos opinions à condition que celles-ci ne soient pas absurdes. Or, ici, il n’y a pas de distinction entre opinion vraisemblable et opinion absurde. La force du nombre est supérieure à notre raison. On peut noter encore trois différences entre adhésion rationnelle et irrationnelle à une opinion. L’adhésion irrationnelle ne vient pas de notre réflexion mais de l’extérieur. Comme le dit Schopenhauer : on s’en empare. Le verbe « s’emparer » désigne le fait de s’approprier quelque chose qui ne nous appartient pas. Dans ce cas de figure, nos opinions ne sont pas vraiment nôtres. Deuxième différence : on ne prend pas le temps de la réflexion dans l’évaluation de l’opinion à laquelle on adhère. Cet « empressement » de l’adhésion contraste avec la mise en œuvre de la pensée véritable qui réclame du temps. Enfin, l’adhésion en fonction du nombre ne vient pas d’une réflexion, mais d’une « persuasion ». La distinction classique entre « persuader » et « convaincre » nous permet d’éclairer ce passage. En effet, la conviction dépend de notre raison, alors que la persuasion vise nos sentiments. Par conséquent, l’adhésion à l’opinion de la majorité est suscitée plus par notre cœur que par notre raison. Quelles sont les conséquences de cette adhésion irrationnelle ?
Schopenhauer montre la double influence pratique et théorique de cette adhésion : « l’exemple agit sur leurs pensées comme sur leurs actes. » Que faut-il entendre par « l’exemple » ? Le début du texte tend à montrer que l’on suit l’exemple de la majorité. Or, la suite du texte nous parle de l’exemple du bélier de tête conduisant le troupeau. D’où notre question : le terme « exemple » renvoie-t-il à la majorité ou à une autorité quelconque ? Peut-être n’y a-t-il pas tant de distinctions à faire puisque finalement, le bélier de tête et les moutons de Panurge suivent la même direction. On pourrait alors faire le compromis suivant : le terme exemple renvoie à la fois à la majorité et à l’autorité la guidant. Cet exemple détermine aussi bien nos pensées que nos actions. S’agit-il d’une relation bilatérale ou triangulaire ? Est-ce que l’exemple détermine séparément la pensée et l’action ou bien y a-t-il aussi une relation entre pensée et action ? La deuxième hypothèse semble préférable puisque nos pensées déterminent effectivement nos actions et vice et versa.
Dans cette première partie du texte, Schopenhauer expose le fait du conformisme, c’est-à-dire de la détermination de l’opinion de l’individu par le grand nombre. Quelles sont les causes de ce déterminisme ? Comment pourrions-nous y échapper ?
La première raison alléguée par l’auteur est la suivante : « il leur est plus facile de mourir que de penser ». Cette thèse est a priori discutable. En effet, la peur de la mort suscite terreur et souffrance et à côté d’elle le simple fait de penser ne semble pas être pire. Si nous avions le choix, il serait évidemment plus facile de penser que de mourir. Comment alors interpréter les propos de Schopenhauer ? S’agit-il d’une expression visant simplement à choquer le lecteur ou bien faut-il le prendre au sérieux ? Si le caractère rhétorique de ce passage est manifeste, il n’empêche qu’il pourrait également se justifier de manière rationnelle. En effet, la véritable pensée suppose des efforts continuels et difficiles allant à l’encontre de notre paresse naturelle. A contrario, la mort ne demande aucun effort, bien au contraire une absence d’effort, un relâchement de notre vouloir vivre. En définitive, la première raison de notre adhésion irrationnelle à l’opinion de la majorité est notre paresse.
La deuxième raison donnée par Schopenhauer est le manque d’observation de soi-même : « il leur suffit de s’observer eux-mêmes pour constater qu’on adopte des opinions sans jugement propre ». L’observation de soi ne concerne pas, bien entendu, notre physique, mais nos opinions voire mêmes nos actes. Cette observation de soi présuppose une distance vis-à-vis de soi-même. On peut distinguer à la fois le moi observé et le moi qui observe. Cette prise de conscience nous permet de prendre du recul vis-à-vis de nos opinions et de les interroger. L’observation de soi est par conséquent la condition nécessaire de la pensée. Pourquoi n’est-elle pas immédiatement accessible ? Qu’est-ce qui nous empêche de nous observer ?
Voici la réponse de l’auteur : « mais s’ils ne le voient pas, c’est qu’ils sont dépourvus de toutes connaissances d’eux-mêmes. » Cette affirmation est énigmatique puisqu’elle inverse la relation habituelle entre observation de soi et connaissance de soi. En effet, de prime abord, on pourrait croire que l’observation précède la connaissance. On connaît par exemple les constellations ou les cellules parce qu’on les observe. Cependant, cette approche n’est-elle pas naïve ? Peut-on vraiment voir la constellation de la grande ourse ou une cellule sans savoir au préalable ce que c’est ? Ainsi, contrairement aux apparences, la connaissance précède et rend possible l’observation. Ce qui est valable pour les objets est aussi valable pour soi-même. C’est en ce sens que la connaissance de soi rend possible l’observation de soi.
Voici donc les trois causes de l’adhésion irrationnelle à l’opinion de la majorité : la paresse, le manque d’observation et de connaissance de soi. Que vaut une telle adhésion ? Le nombre fait-il la vérité d’une thèse ?
Dans la dernière partie du texte, Schopenhauer va réfuter l’association entre nombre et vérité. Il commence sa démonstration par une précision méthodologique : « pour parler sérieusement ». Est-ce que cela signifie que tout ce qui précède était une plaisanterie peu sérieuse ? N’y a-t-il pas une incohérence dans le texte ? Pour éviter cette contradiction, il faut examiner la différence entre le début et la fin du texte. On peut noter qu’à partir de la ligne 11 le raisonnement de l’auteur devient plus rigoureux. Précédemment, Schopenhauer citait des autorités (Aristote et Platon), des images littéraires (Les moutons de Panurge) et le ton utilisé était sarcastique. Par conséquent, il faut interpréter le terme « sérieux » au sens de « rigoureux ». Ce qui précède est toujours valable et sera confirmé par un raisonnement logique. Quel est-il ?
L’auteur utilise un raisonnement par l’absurde. Plus précisément il utilise ce qu’Aristote appelle dans Les analytiques une apagogie négative, c’est-à-dire un raisonnement consistant à réfuter une thèse en montrant l’absurdité de ses conséquences. Son objectif est de montrer que « la généralité d’une opinion n’est pas une preuve et même pas un indice de la vraisemblance de son exactitude. On peut noter ici que Schopenhauer ne parle pas de l’exactitude mais de la vraisemblance de l’exactitude. Ce qui est vraisemblable c’est ce qui pourrait être vrai. Il se trouve du côté du possible et du plausible. L’auteur ne se borne donc pas à dire que le nombre ne fait pas la vérité, il dit que le nombre ne rend pas plus plausible une thèse. On peut aussi distinguer la preuve en tant que signe montrant de manière nécessaire la vérité d’un jugement et l’indice en tant que signe probable. Par conséquent, la thèse de Schopenhauer est radicale, le nombre n’est pas un signe nécessaire ou probable de la vraisemblance d’une affirmation. Prétendre le contraire, c’est parvenir à des conséquences absurdes. Quelles sont-elles ?
Schopenhauer en dénombre deux en fonction du temps et de l’espace. Si le nombre était un indice ou une preuve de la vraisemblance d’une thèse, alors le géocentrisme serait vraisemblable. Or, ce n’est pas le cas. Par conséquent, la thèse de départ est fausse. En effet, l’histoire montre que les théories scientifiques soutenues par la majorité ne sont pas forcément vraies. Peut-on parler de la même manière d’une vérité en religion ? S’il est facile de démontrer la fausseté d’une hypothèse scientifique, peut-on parvenir à la même certitude en matière religieuse ? Cette question n’est pas directement traitée par l’auteur. Le même raisonnement peut être élaboré par rapport à l’éloignement dans l’espace. Si le nombre était un indice ou une preuve de la vraisemblance d’un jugement, alors la vérité varierait en fonction de la culture dans laquelle on se trouve. Or, étant donné que la vérité ne peut être relative, il faut conclure à la fausseté de la thèse de départ. En définitive, le nombre n’est pas un critère de vraisemblance.
Le texte de Schopenhauer est intéressant puisqu’il illustre le phénomène du conformisme. On peut trouver le prolongement de cette analyse en psychologie sociale, notamment avec l’expérience de Solomon Asch. En effet, (développer la référence).
Ce texte semble aussi se rapprocher de l’ouvrage de Kant Qu’est-ce que les Lumières ?, puisqu’il montre le refus de penser par soi-même de la majorité des hommes. Cependant on peut souligner la différence suivante : alors que Kant vise comme idéal la sortie de l’homme hors de l’état de minorité, on peut remarquer que Schopenhauer se contente de constater que « le vulgus a dans la tête une foule de sornettes, et s’il fallait en tenir compte, on aurait beaucoup à faire ». Autrement dit, la distinction entre la masse et l’élite ne mène pas à la tentative de sortir le peuple de son ignorance. Il y a un certain fatalisme dans la perspective de Schopenhauer.
On pourrait aussi dénoncer la critique sans appel de l’opinion. En effet, si l’opinion est souvent fausse, en revanche, elle ne l’est pas toujours. C’est ce que montre Platon dans le Ménon avec le concept d’opinion droite (développer la référence).
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